Alors que le travail hybride passe du stade de « pansement » palliant l’ère des confinements à celui de norme, de nombreux dirigeants se demandent encore comment construire une culture d’entreprise hybride et inclusive. La pandémie a mis à nu de nombreuses inégalités existantes au travail (concernant les minorités, l’accès aux soins ou encore l’âge par exemple) et bien qu’il soit possible de « reconstruire en mieux », le chemin vers ce « mieux » n’est pas clair, même pour les dirigeants les plus engagés. Cela s’explique en grande partie par le fait que tous les régimes de travail ne fonctionnent pas de la même manière pour tous les employés. Une politique ou un « avantage » qui profite à certains et leur donne le sentiment d’être inclus, peut en rebuter d’autres et leur donner le sentiment de ne pas être à leur place ou de ne pas pouvoir s’épanouir.
Aussi, lorsqu’il s’agit de concevoir une culture de travail hybride inclusive, trois problématiques principales, que nous allons voir en suivant, sont à anticiper et à gérer par les organisations et les équipes.
Le bon équilibre pour chaque organisation variera en fonction de ses priorités, de ses employés et de leurs intérêts. Mais en identifiant et en nommant ces tensions, vous disposerez d’un point de départ pour l’élaboration de stratégies pertinentes.
1. Travailler n'importe quand ou travailler tout le temps, trouver le bon équilibre
La première problématique à gérer concerne le fait de donner à vos employés la possibilité de travailler quand ils le souhaitent ou de leur imposer (intentionnellement ou non) qu’ils soient disponibles en permanence. Toutes les recherches sur le sujet montrent que pour un employeur, le « travailleur idéal » est censé être disponible à n’importe quelle heure du jour, tous les jours de l’année et ce, tout le long de sa carrière. Ces attentes intenables ont pesé lourd sur le moral des salariés et plus particulièrement sur celui des femmes qui souvent, occupent non seulement leur emploi la journée, mais sont aussi les principales aidantes des membres fragiles de leur famille. En cela, la pandémie n’aura fait qu’exacerber le phénomène et augmenter les inégalités hommes – femmes.
Une façon de lever cette pression et ce fardeau psychologique,est d’offrir à votre équipe la flexibilité de choisir quand elle travaille et de préciser clairement qu’il doit y avoir des moments où non seulement qu’elle peut, mais qu’elle doit se déconnecter le moment venue. Il existe de nombreuses démonstrations sur le fait que maîtriser son emploi du temps aide à maintenir l’engagement au travail et améliore le bien-être psychologique.
Avec le travail à domicile (et malgré ce que l’on peut penser à priori), les heures de travail moyennes ont augmenté, et les salariés ont de plus en plus tendance à envoyer des mails en dehors de leurs heures de travail traditionnelles. Ne pas avoir de frontière claire entre le travail et la maison empêche le cerveau de déconnecter et peut rapidement mener au burnout.
La pratique la plus simple et la plus répandue pour éviter cela, est de montrer l’exemple et de limiter la communication aux « horaires de bureau ». Vous pouvez programmer l’envoi de mails ou d’appels au jour suivant plutôt qu’à 22h par exemple.
De même, les personnes qui ne travaillent pas selon les créneaux horaires les plus courants, peuvent l’indiquer sur le statut de leur messagerie ou directement apposer l’information sur la signature de mail. La meilleure façon de procéder est de composer un message cordial et déculpabilisant (pour tous les acteurs de la correspondance), tel que : « Mes heures de travail peuvent ne pas correspondre aux vôtres. Ne vous sentez pas obligé de répondre en dehors de vos heures de travail » par exemple.
Une autre approche plus radicale consiste à instaurer des périodes d’interdiction de travail dans toute l’entreprise. Par exemple, le Boston Consulting Group a instauré une clause officielle qui oblige les employés à prendre des jours et des nuits de congés planifiés à l’avance. L’étude menée sur leurs employés a révélé que suite à la mise en œuvre de cette politique, leurs équipes se sont déclaraient plus satisfaits de leur travail, plus détendus, plus susceptibles d’imaginer une carrière à long terme dans l’entreprise et plus satisfaits de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
2. Peur d'être isolé ou peur d'être envahi, comment y faire face ?
La deuxième problématique que les organisations doivent gérer concerne les employés qui se sentent isolés et ceux qui craignent de perdre leur bulle.
Une autre chose que le COVID19 et les confinements à répétition nous auront appris (ou rappelé), est que de nombreux salariés apprécient de venir au bureau pour se connecter et sociabiliser avec ses collègues. La possibilité d’interagir avec les autres, même brièvement, favorise un profond sentiment d’appartenance à une équipe mais également à l’entreprise et à son identité.
Cependant, si les responsables doivent s’assurer que le team building reste efficace même virtuellement, ils doivent également veiller à ce que personne ne se sente harcelé ou trop « envahit ».En effet, avant que les visioconférences depuis le salle à manger deviennent normales, le foyer était un espace privé permettant une expression culturelle et personnelle authentique. Le fait que ce cocon devienne tout à coup le centre d’attention d’un auditoire professionnel peut se révéler très difficile à gérer pour certaines personnes.
Pour combattre le sentiment d’isolement, une tendance parmi les entreprises à la pointe en termes d’inclusion, est d’instaurer une réunion d’équipe hebdomadaire (d’une vingtaine de minutes par exemple) durant laquelle il sera possible de discuter de sujets différents, légers mais personnels, comme le partage du dernier concert ou du dernier film vu.
Même de brèves connexions avec les collègues peuvent diminuer l’épuisement émotionnel causé par la solitude et aider à prévenir les burnouts.
Par ailleurs, pour rendre ces invitations moins invasives, faites savoir à vos employés que la confidentialité peut être maintenue lorsqu’ils en ont besoin ou le préfèrent. Le plus simple est aussi de proposer d’assister à certaines réunions sans visio et cela aurait l’avantage supplémentaire de réduire la lassitude à l’égard de ce mode de communication.
Concernant les réunions et les conversations très interactives où il est important de se voir, vous pouvez créer sur la majorité des logiciels des arrière-plans par équipe ou par organisation afin d’uniformiser les règles du jeu. Cela présente l’avantage d’embrasser de manière proactive la culture d’une organisation ou d’une équipe, et ne donne pas aux employés l’impression de dissimuler maladroitement leur espace personnel.
3. Ce qui est possible ou réellement favorisé dans l'environnement de travail flexible, trouver une cohérence
Une dernière tension à gérer concerne le décalage et l’incohérence qu’il peut y avoir entre ce qui est possible et ce qui est en fait préférable de faire dans un environnement de travail flexible.
L’une des grandes promesses du travail hybride est que les employés peuvent travailler à domicile ou en dehors des bureaux quand ils le souhaitent et sans compte à rendre.
Cette flexibilité est très utile aux mères en particulier car elle leur permet de maintenir un temps plein et de conserver des emplois relativement exigeants et bien rémunérés malgré les enfants et les périodes de forte demande familiale.
Pourtant, bien qu’en théorie il leur soit possible de travailler quand et où ils le désirent,
les recherches passées montrent que les travailleurs qui profitent de ces arrangements flexibles sont en réalité pénalisés, car la disponibilité constante et le travail en face à face sont encore les modes de travail préférés. Cela crée un préjugé contre les employés hybrides qui sont stéréotypés comme étant moins engagés et donc moins méritant. Ce préjugé est malheureusement ancré (de manière consciente ou inconsciente) dans presque toutes les strates hiérarchiques.
En conséquence, malgré les possibilités offertes sur le papier, les organisations ont toujours tendance à récompenser les personnes qui semblent travailler le plus d’heures, ce qui augmente les chances de rendre le travail hybride préjudiciable aux femmes.
En effet, il est évident que les aidants, à large majorité des femmes, vont opter pour ce mode de travail gérer au mieux leurs obligations familiales et professionnelles. A contrario, les hommes auront plus facilement tendance à passer de longues heures au bureau et à se consacrer entièrement au travail dans l’espoir d’engranger des bons points. Ils se retrouvent ainsi plus visibles et plus à mêmes de créer les réseaux stratégiques utiles à leur évolution professionnelle.
Pour ces raisons, il est essentiel de faire du travail hybride et de la flexibilité une pierre angulaire de votre culture d’entreprise, appréciables de tous et préjudiciables à personne.
La direction et les cadres, difficilement qualifiables de « non investis » s’ils optent de travailler à distance, doivent embrasser cette culture et « montrer l’exemple ». Ils permettront ainsi un changement plus rapide des mentalités au sein de l’entreprise mais également auprès des collaborateurs.
Réfléchir à ces problématiques et aux solutions qui vous sont le plus adaptées est primordial pour l’instauration du travail flexible et inclusif dans votre entreprise. Les connaître et les caractériser est la première étape vers le succès, alors n’attendez plus pour transporter votre entreprise dans l’environnement de travail du futur.